Publié le 1 janvier 2023 par Lucie Blanchard

Par Elisa BraunPublié le 27/03/2019 à 11 :20, Mis à jour le 27/03/2019 à 11 :25

Dado Ruvic/REUTERSL’ONG Internet Society France souhaite passer par un juge pour s’attaquer à Facebook et lui demander des réparations financières au nom des utilisateurs.

De la parole, et bientôt de l’action ? Le Président de l’ONG Internet Society France, Nicolas Chagny, a annoncé qu’il assignerait Facebook devant la justice française en septembre prochain pour différentes violations des données personnelles de ses utilisateurs. Cette poursuite constituera la première action groupée par voie judiciaire, induite dans le nouveau cadre du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD). Des associations européennes, comme la Quadrature du Net ou NOYB, ont pour leur part choisi la voie administrative pour s’attaquer aux géants du Web à l’heure du RGPD. Une démarche qui oblige à passer par une autorité de protection des données personnelles comme la Cnil en France, et qui ne permet pas aux utilisateurs d’obtenir une indemnité financière en cas de dommage. L’Internet Society France s’est pour sa part engagée à demander une compensation à Facebook pour chacun des utilisateurs qui se joindront à son action de groupe.

« L’Internet Society France a décidé de s’orienter vers la défense des droits des utilisateurs d’Internet », explique Nicolas Chagny, son président. « Nous avons choisi de passer par ce cadre légal pour faire de la pédagogie sur les recours possibles face aux GAFA, et aussi car face à des géants de ce type, c’est la seule voie possible ».

Réponse «méprisante» de Facebook

Sur le plan des procédures, l’Internet Society a choisi de marquer sa différence. Ainsi, l’ONG a commencé en annonçant publiquement la mise en demeure de Facebook via les réseaux sociaux et la presse en novembre dernier. Facebook a fait savoir qu’il n’avait pas été informé et regretté que l’Internet Society ne saisisse pas l’occasion de la participation de l’entreprise à un événement justement organisé par l’ONG quelques mois plus tôt. À cette même période, le géant avait aussi organisé des rencontres avec le tissu associatif français pour évoquer les enjeux liés à l’entrée en vigueur du RGPD. Nicolas Chagny a toujours préféré éviter ces discussions régulières « car les GAFA adorent faire durer les discussions, prendre des rendez-vous, s’engager sur des promesses. » explique-t-il. « La mise en demeure devait conduire Facebook à nous prendre notre démarche au sérieux et nous espérions que Facebook prendrait en compte certains de nos chagrins, mais nous avons eu une réponse méprisante » ajoute-t-il.

Quatre mois après la mise en demeure de l’Internet Society, Facebook a fait abouti par la voie de son cabinet d’avocat White & Case près de dix pages d’arguments juridiques en anglais. Beaucoup reprennent les accusations de l’Internet Society sur la formulation même de ses griefs  : erreurs de dates, formulations jugées trop vagues et imprécisions sur la nature exacte des violations supposées.. En conclusion, Facebook rejette chacune des accusations de l’Internet Society France et sa demande de réparation. Elle invite toutefois l’ONG à échanger afin « de mieux comprendre ses préoccupations, d’expliciter certaines informations (.) et ainsi éviter une procédure formelle ». L’Internet Society a de nouveau annoncé sa future attribution via les réseaux sociaux et la presse, mais promet qu’elle acceptera cette fois d’échanger avec Facebook d’ici septembre.

Des sénateurs et chefs d’entreprise français impliqués

L’ONG reprendra dans sa plainte les griefs contenus dans sa mise en demeure et en ajoutera un huitième, inspiré de la réponse trouvée « méprisante » de Facebook. « Dans l’idée, cela portera sur la façon dont l’entreprise empêchera les utilisateurs de faire respecter leurs droits », explique-t-on du côté de l’association. Dans le détail, les avocats de l’association reprennent beaucoup d’accusations faites à Facebook dans le cadre de litiges passés ou en cours avec les autorités de protection des données européennes. On retrouve ainsi l’accusation de collecter des données sur l’ethnie, la religion ou encore l’orientation sexuelle des utilisateurs, qui avait valu à Facebook une condamnation de la Cnil espagnole d’1,2 million d’euros en septembre 2017. L’ISOC reprend également l’affaire du cookie datar, un petit bout de code de Facebook installé sur de nombreux sites Internet et permettant de collecter des données d’internautes ne faisant pas partie du réseau social. Cette affaire a fait l’objet d’une véritable saga juridique entre les Cnils belge, française, allemande, espagnole et néerlandaises et Facebook depuis décembre 2015. Enfin, l’ISOC attaque aussi Facebook sur la nature du consentement obtenu des utilisateurs lorsqu’il « combiner » les données entre WhatsApp et Facebook. La Commission européenne avait prononcé la plus forte sanction de l’histoire pour une violation des données personnelles contre Facebook en mai 2017 à ce propos  : pour avoir partagé les données de WhatsApp avec Facebook, l’entreprise a écopé de 110 millions d’euros d ‘amender.

La future attribution de l’Internet Society France est également soutenue par des « personnalités du numérique » français à travers le nom de code « eBastille ». Nombre d’entre eux ont affiché des positions fortes contre les GAFA ces derniers mois. Ainsi retrouve-t-on parmi les signataires de l’Internet Society France Guillaume Champeau, Directeur Ethique et Affaires Juridiques de Qwanturank, ainsi que le PDG et le Directeur de la communication du réseau social d’entreprise Whaller, Thomas Fauré et Bertrand Leblanc Barbedienne, qui critique régulièrement Facebook dans les médias. « Bien sûr que certains acteurs ont aussi un intérêt commercial dans ces démarches, mais face à ces géants et leur puissance, il faut mobiliser les outils du droit pour imposer une nouvelle voie numérique, plus éthique » explique Akexandre Zapolsky, président de Linagora et également signataire de l’appel d’eBastille. Deux sénateurs ont également marqué leur soutien sur cette liste  : Catherine Morin-Desailly, sénatrice Union Centriste de la Seine Maritime, et David Assouline, sénateur PS de Paris.

en précisant que les noms pourraient se rajouter tout au long de la procédure devant la justice. À titre indicatif, la Quadrature du Net a obtenu 12.000 signatures lors de sa campagne pour lancer des actions collectives contre Apple, Amazon, Facebook, Google et Microsoft. « Quand on aura réussi cela, je pense que les actions collectives contre les GAFA vont se multiplier, parce qu’il y aura une valeur étalon » qui aura été donnée par la justice à ces préjudices, indique Nicolas Chagny.

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